LA MISÈRE DES FEMMES ET DES ENFANTS DANS L’UNIVERS CARCÉRAL IVOIRIEN

Les femmes détenues en Côte d’Ivoire, représentant une minorité de la population carcérale, subissent des conditions précaires marquées par la surpopulation, un manque d’hygiène, une alimentation insuffisante et une précarité menstruelle alarmante. L’accès aux soins médicaux est limité, notamment pour les besoins gynécologiques et pédiatriques. Les enfants, qu’ils soient incarcérés avec leurs mères ou détenus pour des délits, font face à des conditions de vie inadaptées, incluant un manque de couchage et une scolarisation difficile. À leur libération, les femmes subissent une forte stigmatisation sociale, rendant leur réinsertion complexe. Des ONG locales, comme ACAT-CI et SMED-CI, militent pour améliorer leurs conditions et répondre à ces besoins spécifiques.

LA MISÈRE DES FEMMES ET DES ENFANTS DANS L’UNIVERS CARCÉRAL IVOIRIEN

Les femmes constituent un groupe particulier de la population carcérale à cause de leur sexe. Bien que les caractéristiques et, partant, les besoins des prisonnières puissent varier considérablement d'un pays à l'autre, plusieurs facteurs généraux peuvent néanmoins être dégagés. En prison, les femmes ont les mêmes droits que les hommes, mais elles ont rarement un accès égal à ces droits. Comme les systèmes carcéraux ont surtout été conçus pour les hommes (plus de 95% de la population carcérale dans la plupart des pays), les politiques et processus en la matière ne répondent pas aux besoins sanitaires spécifiques des femmes. La situation sanitaire des détenus est généralement bien plus précaire que celle de la population en général, et les besoins sanitaires des femmes peuvent être sérieusement négligés dans un système carcéral à dominante masculine. On ignore souvent que l'incarcération des femmes représente généralement un coût social plus important pour la famille et la collectivité que l'incarcération des hommes. 

En Côte d'Ivoire, 303 femmes sont détenues au PPA (Pôle Pénitentiaire d'Abidjan), anciennement MACA (Maison d'Arret et de Correction d'Abidjan), dans des conditions jugées précaires, selon un rapport du Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH). Le Conseil précise qu'avoir des enfants, pour ces détenus, est un supplice de plus. 

Les conditions de détention sont difficiles (....) les conditions d'hygiène sont mauvaises. Les conditions d'hygiène, d'alimentation et d'installation sanitaires ne sont pas à la hauteur des espoirs des femmes et des enfants qui se trouvent en détention. En effet, un rapport publié en décembre 2022 par l'ONG ACAT-CI (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture en Côte d'Ivoire), qui s'est penché sur la détention des femmes et des mineurs en Côte d'Ivoire. 'Ivoire. 'Ivoire. 'Ivoire. 'Ivoire. 'Ivoire révèle que : « Les détenues au PPA ne disposent pas d'ecellulement individuel ». Selon les informations obtenues, le PPA a en son sein le quartier des femmes qui est séparé de celui des hommes. Ce compartiment comprend 11 cellules dont 4 de 59 m2 qui contiennent 35 à 40 détenues, une de 40 m2 qui reçoit 15 femmes et six de 11 m2 qui sont conçues pour recevoir entre 7 et 15 femmes. 

D'ailleurs selon le rapport de l'ONG ACAT-CI, "au regard de l'espace vital par personne, la surpopulation carcérale n'épargne pas les femmes". Étant entendu que la référence de 3m2 par détenue requise en termes d'espace par le ministère de la justice et des Droits de l'Homme, n'est pas respectée. Toujours selon cette même étude intitulée « Vivre l'enfermement », si une majorité de femmes et de mineures dorment sur des matelas, ce rapport indique que 42% des femmes réunies disent dormir sur une natte. S'agissant de la nourriture, les enquêtes ont montré que 49 % des femmes recevaient deux repas par jour. Cependant, 53,5% des femmes estiment ne pas manger en quantité suffisante et les deux niveaux estiment que la nourriture n'est pas de qualité satisfaisante.

LA PRÉCARITÉ MENSTRUELLE, LA DOUBLE PRISON 

Les détentions du PPA, comme dans toutes les prisons des villes de l'intérieur du pays, sont confrontées à de réels problèmes de suivi médical. Une étude du Conseil National des Droits de l'Homme, dont les résultats ont été publiés en février 2021, a dressé un sombre tableau des conditions sanitaires des détenus. Nombre d'entre elles, révèlent le document, souffrance de maladies de la peau, de maladies chroniques et gynécologiques. Ce rapport révèle "l'effectif limité des spécialités (absence de pédiatre, de gynécologue et de psychiatre) compromet la réponse aux bésoins des mères détenues". Que dire de la précarité menstruelle de ces détenues ? Un sujet plutôt tabou. Une ex pensionnaire du PPA qui ya séjourné à deux reprises, d'expliquer : "Lorsque tu arrive en prison, tu n'as pas de brosse à dents, pas de serviettes hygiéniques et il n'y a pas de dessous de rechange". 
cette précarité menstruelle est aujourd'hui le combat de Mme Madoussou Touré, une juriste et entrepreneure devenue présidente de l'ONG SMED-CI (Soutien aux Mères et Enfants en Détresse). Cette qu'elle défend lui permet d'être régulièrement en contact avec des détenus pour leur offrir des serviettes hygiéniques qu'elle collecte auprès de donateurs privés. Elle dit à qui veut l'entendre : " il y'a un problème de précarité menstruelle, quand on est une femme en Côte d'Ivoire. Donc, vous vous imaginez ce que c'est, quand on est derrière les barreaux ". Si l'Etat de Côte d'Ivoire intervient au niveau de la nourriture et des médicaments, la présidente de l'ONG de lutte pour le bien-être des femmes déplore que les besoins exo-spécifiques ne soient pas pris en compte : « être en prison, c'est déjà une punition, mais pour les femmes qui ont leurs règles là-bas, c'est la double peine. 

LES ENFANTS NE SONT PAS EN RESTE !

Le rapport publié par l'ONG ACAT-CI révèle qu'il n'y a que le PPA qui dispose de cellules réservées aux mineures. Dans les autres prisons de l'intérieur du pays, ces mineurs partagent les mêmes cellules que les adultes. Des enquêtes ont révélé que 23% des mineurs dormaient sur un matelas. Pendant ce temps 64% d'entre eux ne disposent que d'une natte, tandis que 13% dorment sur le sol. Ainsi, leur couchage est très majoritairement par les personnes détenues comme étant en mauvais état, voire très mauvais, particulièrement pour les mineures dont aucune cellule ne dispose d'une moustiquaire.

Quant aux détenus ayant des enfants en prison, le président de l'ACAT-CI, Paul Kouadio, a fait savoir dans une interview publiée sur le site prison insider que seul le PPA dispose d'une cellule dédiée aux femmes qui gardent auprès d' elles leur enfant. Cependant, la scolarisation des enfants nés en prison ou encore des mineurs incarcérés est un défi. Selon les responsables de l'ONG, lorsque « le père de l'enfant est à l'extérieur, l'enfant est habituellement placé auprès de lui ». En pratique, cela ne va pas sans difficulté, car l'administration peine souvent à identifier la famille. Pour éviter que l'enfant soit livré à lui-même, ajoutent les dirigeants de l'ACAT-CI, "l'enfant est souvent amené à rester avec sa mère" dans la prison.

Les enfants en détention en Côte d'Ivoire se retrouvent dans deux situations principales :
1. Enfants incarcérés avec leur mère : Les prisons ivoiriennes autorisent les mères détenues à garder leurs enfants jusqu'à un certain âge (généralement 3 ans). Cependant, les infrastructures sont rarement adaptées à l'accueil des enfants, ce qui nuit à leur bien-être et à leur développement.
2. Enfants en conflit avec la loi : Les mineurs, souvent accusés de délits mineurs ou de participation à des réseaux criminels, sont incarcérés dans des centres de détention pour mineurs. Toutefois, la séparation effective entre mineurs et adultes n'est pas toujours respectée, exposant les enfants à des violences physiques et psychologiques.

DES EXAMENS SCOLAIRES SOUS SURVEILLANCE 

Selon quelques membres de l'ACAT-CI, lorsqu'ils parviennent de façon exceptionnelle à inscrire quelques jeunes aux examens scolaires de fin d'année, les choses ne sont pas aisées. "Lorsqu'ils passent leurs épreuves avec les autres élèves, ils sont entourés de surveillants pénitentiaires. C'est extrêmement humiliant". Dans ces conditions, ces jeunes qui n'ont même pas pu réviser en prison, réussissent très rarement à leurs examens.

UNE RESOCIALISATION DIFFICILE 

Stigmatisation sociale : Une fois libérées, les femmes incarcérées sont souvent confrontées à une double peine : la réinsertion sociale est difficile en raison de la stigmatisation et du manque d'opportunités économiques.

Après un séjour carcéral difficile, ces femmes désormais libres affronteront les regards méfiants de la société. T. Aïcha, ex-détenue sortie de prison en 2019, raconte : "Ma famille m'a tourné le dos (...) En Afrique, être en prison, c'est déjà une honte pour la famille. Mais une femme en prison, c'est une abomination". L'enquête de l'ONG ivoirienne, menée avec le soutien de la Fédération Internationale des ACAT (FIACAT) et du Centre d'études et de recherche sur la diplomatie, l'administration publique et le politique, a établi un portrait pénal des femmes en détention. La détention et la vente de la drogue est le motif d'écrou le plus fréquent. L'enlèvement de mineure est le deuxième motif d'écrou le plus couramment rencontré pour les femmes adultes.

LES RÉPONSES JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELLES
La Côte d'Ivoire a ratifié plusieurs conventions internationales, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cependant, leur mise en œuvre efficace reste un défi :
• Réformes législatives : Le Code pénal ivoirien prévoit des dispositions spécifiques pour les femmes enceintes ou allaitantes, mais leur application reste limitée. Pour les mineurs, la loi prévoit des mesures alternatives à l'incarcération, comme le placement en centre éducatif, qui sont encore peu mises en œuvre.
• Programmes de réhabilitation : Quelques initiatives visant à améliorer les conditions de détention, notamment à travers des programmes éducatifs ou professionnels pour les femmes et les mineurs. Cependant, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des besoins.
LES PISTES D'AMELIORATION
Pour répondre aux défis liés à l'incarcération des femmes et des enfants en Côte d'Ivoire, plusieurs actions peuvent être envisagées :
• Renforcer les infrastructures carcérales : Créer des espaces spécifiques pour les femmes et les enfants, adaptés à leurs besoins particuliers.
• Promouvoir des alternatives à l'incarcération : Développer des peines alternatives pour les femmes enceintes ou mères de jeunes enfants, ainsi que pour les mineurs, afin de réduire leur exposition à l'environnement carcéral.
• Soutenir la réinsertion sociale : Mettre en place des programmes de formation, de soutien psychologique et d'accompagnement pour faciliter le retour à la vie normale des femmes et des mineurs après leur détention.
 • Renforcer les droits des enfants : Garantir une séparation stricte entre mineurs et adultes en détention, et améliorer les conditions des enfants vivants avec leurs mères en prison.

L'incarcération des femmes et des enfants en Côte d'Ivoire représente une problématique complexe, mêlant défis juridiques, sociaux et humanitaires. Si des progrès ont été réalisés, beaucoup reste à faire pour garantir des conditions dignes et conformes aux droits humains. Une approche globale, intégrant des réformes législatives, des infrastructures et de sensibilisation sociale, est essentielle pour répondre aux besoins spécifiques de ces populations vulnérables.

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